Personnages :
Ines Bakker — Une jeune Néerlandaise, elle raconte comment elle et sa famille ont survécu à « l’hiver de la faim ».
Ron “Shorty” Moyes – Un jeune soldat raconte comment se déroule son passage dans l’ARC et explique la préparation de l’opération Manna.
Capt. Robert (Bob) Upcott — Un jeune soldat qui nous explique comment ils ont largué la nourriture lors de l’opération Manna et ce que ça a signifié pour les Néerlandais.
MÈRE :
Ines! Ines! Rentre !
INES :
J’en ai assez d’être à l’intérieur. Je ne veux pas entrer.
Je me fiche du froid qu’il fait !
Ou de combien d’avions me passent au-dessus de la tête !
Je ne me cache plus à l’intérieur.
Ça fait quatre ans qu’on se cache.
Des avions, des nazis,
on se cache nos peurs et notre faim.
Je vois ma mère, qui cache sa tristesse tous les jours.
Je la vois couper les bulbes de tulipe
pour notre repas sans en manger.
Elle peut essayer de cacher son corps fragile
sous ses vêtements gris,
mais je vois à quel point elle est faible.
Son visage, ses mains.
Elle ressemble à notre grand-mère.
Mais je dois cacher ma peur.
Je ne peux pas lui montrer à quel point j’ai peur
quand je la vois mourir de faim.
Je suis l’aînée.
Je dois être forte pour eux.
Nous n’avons pas revu Père
depuis les premiers jours de la guerre.
Un soir, il n’est pas rentré.
On ne sait pas s’il est prisonnier,
ou s’il se bat avec la Résistance.
Ou s’il se… cache.
J’entends un avion qui arrive.
Je devrais entrer.
La guerre doit bien finir bientôt.
J’ai entendu dire que les Allemands aussi sont affamés.
Ça se rapproche. Il est temps de se cacher.
NARRATEUR :
L’hiver 1944 est connu comme
l’hiver de la faim pour les Néerlandais.
Après quatre ans d’occupation,
ce pays aux terres agricoles fertiles s’est transformé,
d’un pays aux champs verts et luxuriants
à un champ de bataille calciné.
En avril 1945, la guerre tirait à sa fin,
tout comme la vie de plus de
20 000 Néerlandais qui vont
mourir pendant l’hiver de la faim.
Quatre millions et demi de Néerlandais
étaient à quelques semaines de la mort,
le temps était compté…
SHORTY:
Mon frère était dans l’armée depuis 41,
il était mécanicien de moteurs d’avions dans la Bomber Command.
J’espérais être stationné avec lui quand
mes parents ont finalement accepté que je m’enrôle,
mais non, ils m’ont envoyé à Gloucester.
Pouvez-vous croire, quand je suis arrivé à la caserne,
après neuf longs jours sur un navire glacial,
j’avais reçu une lettre de ma sœur! Je n’en croyais pas mes yeux ?!
C’est parce que, voyez-vous, il se trouve que mon voisin, Fred Jones,
sortait avec ma sœur à la maison,
et il est maintenant mon nouveau colocataire !
On s’est même retrouvé ici, dans le
405e Escadron, ensemble ! La même ! C’est quoi les chances!
Une chose pour laquelle je n’étais pas préparé, c’est le FROID !
À chaque vol, j’ai la même routine,
parce que je dois être prêt pour du -40 C à -75 C !
Donc je mets mes bas de laine qui monte jusqu’aux cuisses,
un long col roulé en laine,
ma tenue de combat, avec un sifflet juste au cas
et mes salopettes chauffantes.
Ensuite, par-dessus TOUT ça, je mets une combinaison rembourrée d’un pouce,
on l’appelle notre combinaison teddy-bear.
Finalement, je recouvre TOUT ça de ma combinaison de vol..
Après, ce sont mes bottes de vol en cuir,
mon gilet de sauvetage Mae West et mon harnais de parachute,
sur lequel j’aime bien m’asseoir pour être plus grand !
On ne m’appelle pas “Shorty” pour rien.
NARRATEUR :
Assis à l’endroit le plus froid et le plus vulnérable
d’un bombardier Lancaster à sept places,
le mitrailleur de queue, Sergent Ronald Moyes,
17 ans, est le fils d’un fermier immigrant
de Coquitlam, Colombie-Britannique.
Shorty a déjà fait plusieurs allers-retours de cinq à sept heures
vers des cibles majeures en Allemagne :
la ville symbole des nazis, Nuremberg et
le refuge en montagne d’Hitler à Berchtesgaden.
SHORTY:
Notre avion a été touché
trop de fois pour compter les trous !!
On aurait dit que quelqu’un nous lançait des pierres.
Les projecteurs qui se croisent et l’onde de choc
des explosions antiaériennes secouent l’avion de 17 tonnes
comme s’il était léger comme un oiseau !
NARRATEUR :
Pour l’équipage du bombardier, le but est de faire le travail
et revenir vivant.
Sur les 100 aviateurs qui arrivaient
d’une unité d’entraînement opérationnel,
61 vont mourir avant d’avoir complété
leurs 30 missions requises,
12 seront faits prisonnier de guerre,
et 3 vont être blessés et ne pourront plus voler.
Seulement 4 vont s’en sortir indemnes…
au moins… physiquement.
SHORTY:
On a 30 missions à voler.
J’y suis presque, mais certaines
nous ont donné des sueurs froides.
Une fois, en volant vers Nuremberg.
On s’est beaucoup fait tirer dessus. On a largué
nos bombes et on est revenu.
On ne s’habitue pas au sentiment qu’on
ne reviendra peut-être pas.
Non. Le sentiment ne part jamais.
UPCOTT:
28 avril 1945. Tôt ce matin
mon équipage et moi avons reçu nos instructions
en compagnie d’un équipage qui avait un pilote australien.
Ils nous ont dit qu’on nous envoyait pour
une mission très différente.
Top secret.
Nos bombardiers ont été remplis de nourriture
à larguer au-dessus de la Hollande.
On ne s’attendait pas à ça. Pas de bombes, pas d’explosions.
Juste aider les gens à survivre.
SHORTY:
La fois qu’on a volé vers Oslo en Norvège. C’était difficile.
On volait très bas, manœuvrant entre les falaises des fjords
pour larguer des mines dans la sombre et froide mer de Norvège.
Ces mines vont aider à empêcher les U-boot de s’attaquer à nos bateaux dans l’Atlantique Nord.
C’était vraiment fou comme vol et on ne donnait pas cher de notre peau.
Mais on est revenu. Sain et sauf, comme d’habitude.
UPCOTT:
Au briefing aujourd’hui, ils nous ont dit que notre mission
va être un essai.
Les Alliés et les commandants allemands
ont négocié pendant les derniers jours
pour permettre de larguer de la nourriture,
mais ils ne se sont pas entendus.
Donc on va le faire pareil.
Si notre mission est un succès et
qu’on arrive à larguer la nourriture sans se faire tirer dessus,
L’opération Manna sera en marche.
Le pire, encore pire que la solitude
ou la peur que cette fois ce soit la bonne et que tu ne reviennes pas,
c’est se réveiller dans la caserne
et de voir les lits de camp vides,
sans savoir si tes amis sont morts ou juste transféré dans un
autre escadron.
Qu’est-ce que tu fais ? Bien, tu continues,
un pied en avant de l’autre.
En attendant de savoir de quoi sera fait demain.
En espérant que ça finisse bientôt.
UPCOTT:
Succès !!
On est revenu de notre vol d’essai !
Notre équipage comprenait quatre Canadiens
et deux Britanniques, tous de bons gars.
Mon avion s’appelait Bad Penny.
Je n’aimais pas vraiment ça,
mais un des gars m’a dit
que ça venait d’une expression
“Like a bad penny, it keeps coming back.”
Finalement, Bad Penny, c’est correct avec moi.
En tout cas, on a dépassé la côte hollandaise,
et on a vu les canons antiaériens qui pointaient
leur gueule dans notre direction.
On a même vu des chars qui essayaient
de garder leur tourelle sur nous.
On regardait directement dans leurs canons !
Mais, pour une raison ou une autre, on s’en est sorti. Comment ? Je ne sais pas.
On a été chanceux que l’ennemi n’a pas tiré.
Juste quelques tirs de pistolets à l’aveuglette
qui ont fait des petits trous
sur le côté droit de l’avion, près de la queue.
Mais aucun dommage, Bad Penny peut encore voler. Et nous aussi.
Demain,
L’opération Manna commence !
INES :
J’ai essayé de me rendre à la campagne
pour trouver de la nourriture et de l’aide,
mais c’est trop loin et trop dangereux.
J’y ai été avec notre voisine et sa fille.
Son mari a essayé il y a deux ans
et s’est fait prendre par les nazis.
Il n’a pas été emprisonné ou envoyé au travail forcé…
on ne sait pas où il se trouve,
comme mon père.
Notre mère ne sort plus du lit.
Mon petit frère et ma petite sœur ne semblent pas aller bien mieux.
J’essaie de les garder occupés à l’intérieur
le plus possible… j’essaie d’être courageuse… mais (au bord des larmes)
Je m’ennuie de mon père.
Je veux que les choses soient comme avant.
NARRATEUR :
Le matin du 29 avril, le premier des huit Lancasters
à atteindre la côte hollandaise
fut “Bad Penny”, piloté par le Capitaine Robert F. Upcott,
21 ans, de Windsor, Ontario.
Plus de 11 000 tonnes de nourriture furent larguées par le RAF et l’ARC
pendant les 10 jours que dura la mission —
un autre signe à l’Allemagne nazie
qu’elle était en train de perdre la guerre.
C’est à midi cette journée-là que la BBC
a annoncé que l’opération Manna aurait lieu
la journée même.
Deux cents Lancasters vont apparaître
au-dessus de la Hollande à deux heures
pour amener de la nourriture
à la population affamée.
UPCOTT:
On n’a presque pas vu d’activité lors de la première mission.
Probablement parce que personne ne nous attendait !
Finalement, on a vu l’hippodrome Duindigt,
c’était notre zone de largage cette journée-là.
On a eu de la chance, on a pu y aller directement, sans tourner en rond.
Donc on y a été !
INES :
Personne ne savait que la nourriture arrivait.
J’imagine que c’était pour garder le secret
des officiers allemands.
On était tellement habitué aux avions dans le ciel,
jour et nuit. Sans arrêt. Ces avions semblaient pareils.
Notre plus grande peur était que les Alliés se trompent
et nous bombarde.
UPCOTT:
J’avais un pilote australien avec moi
en formation échelon.
On était les premiers à larguer notre cargaison
au-dessus de la piste de course.
L’Australien l’a larguée
presque au même moment.
Mais j’ai peut-être attendu trop longtemps, parce que
la moitié de la cargaison a atterri dans les estrades
au bout de la piste.
Je me sentais vraiment mal. Mais j’espérais
que le cargo avait résisté.
INES :
Mon petit frère est arrivé en courant.
Je pensais que quelque chose de vraiment grave était arrivé.
Mais là j’ai vu la foule — mes amis, mes voisins —
Ils couraient vers la piste de course.
Ils criaient et pleuraient que des caisses de nourriture
avaient été larguées du ciel.
Donc, Nicky et moi, on a couru le plus vite possible.
Et oui, les caisses étaient là, pleines de nourriture !
On n’en croyait pas nos yeux. On était tous ensemble, riant et pleurant et s’enlaçant.
Nicky et moi on a ramassé ce qu’on pouvait transporter dans mon tablier
et nous avons couru le plus vite qu’on pouvait.
J’avais tellement hâte de montrer à ma mère ce qu’on avait trouvé !
UPCOTT:
Quand on a eu fini, on a quitté le continent et on s’est dirigé
vers la mer du Nord.
Notre opérateur radio a envoyé un message à la base
pour dire que notre mission était un succès.
Vous savez, ce vol-là était différent.
Je ne sais pas… ça va avoir l’air stupide,
mais je pense qu’on savait que quelque part en bas, dans
ces ruines, quelqu’un attendait un miracle.
INES :
On a dévoré le chocolat en premier. On est Hollandais quand même !
Après avoir goûté cette première bouchée sucrée, on était tellement heureux.
Je n’avais pas entendu Margriet et Nicky
rire depuis tellement longtemps. J’étais pleine d’espoir.
On avait tous mal au ventre à cause du chocolat et
des rires.
Et bien sûr qu’on est retourné !
Quand on est arrivé, les responsables de la ville étaient là
pour s’assurer que la nourriture était séparée équitablement.
Tout le monde s’est entraidé pour rapporter les sacs de farine et de sucre
vers nos maisons.
C’était la première fois depuis très longtemps qu’on avait espoir.
Et même si on était
tous affamés. Tous désespérés, fatigués, faibles,
personne n’a pris plus que sa part.
SHORTY:
C’est un jour chanceux aujourd’hui !
J’ai quitté le Canada le 3 mai 1944,
et exactement un an jour pour jour,
je suis prêt pour ma 30e,
et j’espère dernière, mission de la guerre,
Je suis très heureux de livrer de la nourriture
au lieu d’obus.
Vous savez, on amène vraiment la vie
au lieu de la mort… et c’est vraiment bien.
UPCOTT:
J’ai seulement pris part à la première mission.
Tout le monde voulait participer.
Pour être juste, les missions ont été distribuées le plus
équitablement possible dans les circonstances.
Ce n’est pas parce que c’était une mission sans danger.
Non monsieur. Si on déviait seulement un peu
du corridor alloué, l’ennemi pouvait tirer.
Pas de pitié.
Pendant cette courte période, les avions étaient chargés
avec des sacs de farine, de poudre d’œuf,
de lait en poudre et de chocolat noir.
On a largué dans l’ouest des Pays-Bas
où les gens subissaient
l’occupation nazie et un des pires
hivers de l’histoire récente.
Plusieurs des vols étaient près de La Haye,
mais vers la fin, on allait surtout à Rotterdam.
NARRATEUR :
Au même moment,
le lieutenant-général Charles Foukes,
commandant du Premier Corps canadien,
la première conférence entre
les Alliés et les Allemands dans une école de Achtervald.
Les négociateurs étaient principalement canadiens.
Foulkes a convenu avec les autorités allemandes
que toute inondation provoquée par les Allemands sera considérée comme crime de guerre.
SHORTY:
Quand on a commencé à faire partie de l’opération Manna,
on a changé pour des Mosquitos avec le groupe no 8 (Pathfinder).
On volait en premier et on larguait des illuminateurs de cibles.
C’était des fusées fumigènes colorées
qui marquaient où la nourriture devait être larguée.
On a largué notre cargaison à environ 400 mètres
des croix blanches au sol.
On devait y aller et faire vite
parce qu’on avait un Lancaster derrière nous prêt à larguer sa cargaison.
Les lots de nourriture tombaient sans parachutes.
Ils tombaient d’environ 350 pieds pendant que l’avion
voyageait à 200 miles à l’heure.
UPCOTT:
Le 5 mai 1945, dans le village de Wageningen,
Le général Foulkes a accepté la capitulation
de l’armée allemande aux Pays-Bas.
SHORTY:
Pour les Hollandais, la guerre était terminée.
Deux jours plus tard, la capitulation officielle de l’Allemagne
aux Alliés est signée à Reims, en France.
INES :
On est tous venu célébrer aujourd’hui,
accueillir les camions de l’armée canadienne
qui nous amène plus de ravitaillement et leurs courageux soldats.
Même maman est venue.
C’est encore juste des filles et des femmes, comme d’habitude !
Tellement d’hommes sont partis.
Ça va prendre du temps pour reconstruire. Ça va être différent.
Notre monde a changé.
Et nous aussi.
Mais je pense que je vais laisser le message que
Nicky et moi avons peint sur le toit un peu plus longtemps.
Il dit « Merci Canada »
Bedankt Canada.
FIN
Weekends 10:00 am - 4:00 pm
If you haven't ordered your tulip bubs yet, there's still time. Act fast supplies are limited.